Votre thérapeute (aime les problèmes)

[Temps de lecture : 7 minutes, vous avez certainement quelque chose de plus intéressant à faire non ?]

 

Autoportrait en forme d’échec pour faire fuir le lecteur curieux  

A priori il existerait une sorte de règle implicite lorsqu’il faut se présenter sur son site professionnel (ici ceux de psychologie et/ou psychothérapie), j’en observe trois  :  

  • Présenter froidement et sans personnalité la liste de ses diplômes et de ses expériences que le futur patient étudierait sérieusement tel un chasseur de tête. Parfois la citation d’un philosophe sert de caution intellectuelle et littéraire. Il s’agit aussi de bien insister sur la reconnaissance de son titre et de ses diplômes histoire de créer un petit « appel à la peur » chez un futur patient qui ne pourra qu’être convaincu.    
  • À travers un storytelling dans lequel suite à une travail éprouvant dans le milieu de l’entreprise ou un accident de parcours, une prise de conscience fulgurante serait apparue et aurait été une sorte d’appel vers la sagesse. De là, tel une illumination, la décision d’aider son prochain aurait été la seule voie possible dans la vie.
  • Un texte parlant de soi, de ses aspirations, de sa « philosophie de vie », de l’amour pour la nature et les choses simples sur un fond d’images zens et de citations positives, mais surtout, le texte indique comme la technique employée a sauvé la propre vie du praticien.

Je ne sais évidemment pas si tout cela est bien ou mal, et je n’ai vraiment pas la prétention de faire mieux, c’est donc pour cela que je vais faire pire ! Voici donc un petit pavé présentant mon parcours de manière médiocre ; un manuel d'"anti-vente" long et ennuyeux... arrêtez-vous maintenant je vous aurai prévenu ! 

 

 

 

Ma Storytelling ordinaire   

Je n’ai pas fait la rencontre avec un sage qui m’aurait ouvert la voie vers ma destinée. Par contre, j’ai tout de même une anecdote permettant trois codes pour ma storytelling : un métier peu épanouissant, l’accident de vie et la rencontre magique. Ainsi à vingt ans, alors que j’étais un musicien professionnel frustré de na pas pouvoir oser m’affirmer, j’ai fait un bonne dépression qui – en plus d’une paroxétine par jour – m’a amenée chez une psychologue qui m’a beaucoup apporté et m’a donné l’envie de faire ce travail quelques années plus tard. 

 

 

Mon CV banal

A 23 ans, j’ai commencé des études de psychologie à la faculté de Dijon, puis 2 ans après, je me suis dirigé vers deux DU en psychothérapie à Montpellier qui ont duré trois ans. Le premier a été important pour moi à l’époque, aujourd’hui je m’aperçois qu’il y avait une sorte d’escroquerie dans l’approche proposée. Le second m’a appris les bases de la relation avec les patients, mais là aussi l’approche psychopathologique était obsolète (comme elle l’est encore dans de nombreuses facultés de psychologie en France.)

 

Lorsque j’étais étudiant j’ai poursuivi une thérapie : ce fût une horreur pendant deux ans. Il s’agissait d’une psychanalyse lacanienne faite par une psychologue clinicienne qui ne parlait pas du tout (même pas bonjour ni au revoir), ou si, elle daignait sortir des mots de sa bouche pour m’amener à analyser un mot, une formule et… rien qui ne m’aidait à comprendre et sortir des problèmes pour lesquels je la consultais. Je me souviens surtout de son tapis que je regardais pendant une heure ; faute de pouvoir la regarder puisqu’elle était placée de telle manière que je ne voyais qu’un bout de son profil. Je dois dire aussi qu’à cette époque je pensais qu’elle avait un savoir que j’ignorais et que ma faculté étant d’obédience psychanalytique je croyais profondément en ce cadre thérapeutique ; je culpabilisais même de ne pas évoluer : comme si je n’étais pas à la hauteur de ma psy…  (ohlala, ça doit dire quelque chose de moi ça...)   

 

 

Mon début de parcours pas très glorieux

Diplômé en 2008, je me suis inscrit à Pôle Emploi pour avoir droit aux RSA. Période humiliante car en plus d’une conseillère qui m’a expliqué au bout de deux mois que j’étais une « charge sociale », j’ai été envoyé vers un groupe spécial pour "le gens comme moi" : le « club Or » (oui oui..), son projet était de s’occuper des diplômés niveau Master 2 et de les inciter à trouver un emploi sans rapport avec leur diplôme d’origine. Inutile d’écrire que dans ce « club » en or, nous étions quasiment tous diplômés en science humaines, j’ai donc rencontré des anthropologues, des philosophes, des sociologues et un ethnologue. Lorsque l’un de nous acceptait enfin de se réorienter, notre guide apportait un gâteau que nous dégustions joyeusement (mais apeurés de se dire que nous serions les prochains.) C’est comme cela que j’ai vu partir un ancien confrère, avec qui j’avais fait un stage d'études, qui s’est orienté vers une carrière dans l’administration des finances publiques.

 

 

Une première tentative désastreuse

Bien que je n’ai pas eu de révélation par la voie d’un sorcier qui m’aurait livré un stock d’ondes positives, j’ai décidé de me sortir de toute cette humiliation et ouvrir mon propre cabinet. Nous sommes en 2010, j’habite Dijon. Je devais même l’ouvrir avec un ami médecin généraliste qui pratique l’hypnothérapie, mais sa femme voyait d’un mauvais œil qu’il partage son activité avec un « non médecin » (je peux lâcher le truc aujourd’hui, nous ne sommes plus en contact depuis…)  

 

Cette expérience fût un désastre. D’abord parce que je n’avais fait aucune démarche pour me faire connaitre et que donc, les patients ne se bousculaient pas à la porte. Mais surtout, j’enchainais les crises d’angoisses en consultation. 

 

 

Après avoir reconsulté ma première psychologue qui avait fini par être mal à l'aise que j’ai ouvert un cabinet, je me suis aperçu que là où elle critiquait (à raison) la démarche psychanalytique dans laquelle je me situais, elle avait elle-même tendance à proposer des idées magiques provenant de la philosophie bouddhiste et de théories new-âge ; en gros, mes crises d’angoisses j’avais cas me les foutre au c*** et faire avec, elle pensait que la loi de l'attraction * et la synchronicité ** me permettraient de trouver les bonnes réponses ! Cette désillusion a été salvatrice pour moi car je crois que je voulais lui ressembler comme thérapeute, c’est à ce moment là que j’ai commencé à travailler sur moi pour être vraiment authentique avec mes patients.   

 

J’ai alors consulté une psychologue hypnothérapeute avec qui je n’ai jamais fait d’hypnose car il se trouvait qu’en fait… elle était psychanalyste lacanienne ! J’y ai fait trois ou quatre séances. Je me souviens que j’étais allongé sur un divan design années 90 en cuir, et qu’elle, elle était installée sur un siège de bureau beaucoup plus haut que moi me faisant l’éloge de Jacques Lacan au moment où je commençais à remettre en question les concepts psychanalytiques, « vous êtes de cet endroit-là ! » me disait-elle dès que je critiquais à mi-mot LE dogme… 

 

 

Ainsi, dans ce moment-là je commençais à remettre aussi en cause mes formations universitaires et leur orientation vers la psychanalyse ; je soupçonnais que ce soit cette approche qui me mettais mal à l’aise en consultation : je me sentais démuni et sans réponse concrète face aux patients. Bien sûr, mes crises d’angoisse étaient aussi liées aux difficulté financières puisque je ne recevais pas assez d’honoraires pour en vivre. J’avais même passé un concours de la fonction publique pour être catégorie B, j’avais eu une note lamentable en math… Bref, deux ans et demi après j’ai mis la clé sous la porte et un sentiment de liberté s’est emparé de moi, autant qu’un vilain zona (réaction émotionnelle logique mais qui m’a obligé à supporter toutes les analyses pseudo-psychologiques de mon entourage…) 

 

Un moment de répit avant la reprise

Nous sommes donc en 2013. Pour des raisons personnelles, je déménage à Chalon-sur-Saône. Je sais que j’ouvrirai à nouveau un cabinet mais en attendant je m’attèle à deux choses fondamentales pour moi : je me reforme en psychothérapie et m’oriente vers les TCC (thérapie des schémas) et je reprends la musique là où je l’avais laissée et assume que je hais en jouer mais que je préfère en écrire, j’ai alors une chance assez insolente puisqu’en deux ans j’ai enchainé les commandes, dont une d’état. Ce fût ma principale source de rémunération.

 

En 2015, je décide d’ouvrir à nouveau un cabinet. J’ai un nouveau bagage et j’ai la sensation de ne plus rien devoir à personne (comme si c’était le cas avant…) et voilà comme cette aventure se poursuit encore aujourd’hui.

 

Vous ai-je dis que j’étais un grand anxieux ?  

 


 

* La "loi de l'attraction" est une pseudo-science qui pense que l'on est positif on attire le positif : meilleur moyen pour faire culpabiliser un patient...

** La "Synchronicité" est une pseudo-science qui affirme qu'il n'y a pas de coïncidences et que donc, tout a un sens : meilleur moyen pour faire tourner un patient en rond... 

Bertrand Weber Bertrand Weber Bertrand Weber