Créer un argument aberrant


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Un moyen simple d'analyse

Il existe une méthode logique que nous utilisons tous « naturellement » : le syllogisme. Cette technique philosophique a plusieurs subtilités que nous n’évoquerons pas ici, nous allons la simplifier pour démontrer que nous appliquons sa base facilement lorsque nous cherchons à analyser une situation.

 

Un syllogisme se décompose en trois phrases : 

  • Une première phrase d'observation avec deux éléments, disons A et B
    • Exemple: "Les pauvres ne possèdent rien"
  • La seconde phrase est un commentaire avec les éléments B & C. On peut la débuter par "Or...".
    • Exemple: "Or, on peut ne rien posséder de matériel et être heureux"
  • Et la troisième phrase est la conclusion qui reprend les éléments A & C, cela permet de démontrer la cohérence du propos. On peut la débuter par "Donc..." ou "Alors...".
    • Exemple: "Donc : on peut être pauvre et heureux"

Pour synthétiser :

  • J’observe que A implique B
  • Or, implique  C
  • Donc : A implique C

Voici un dernier exemple :

  • Consulter un psy engage un investissement financier
  • Or, habituellement j’investis financièrement pour m’enrichir
  • Donc : Consulter un psy m’enrichis  

Nous voyons donc qu'il y a une suite logique entre les trois propositions

 

Mais attention ! Il existe aussi des faux syllogismes. Ils se produisent lorsque la conclusion est non pertinente voir absurde.

Par exemple, quand il pleut, il fait humide. Mais s'il fait humide aujourd’hui, nous ne pouvons pourtant pas en conclure qu'il va pleuvoir aujourd’hui

 

Voici un autre exemple qui n'a aucun sens logique :

  • Plus il y a de gruyère, plus il y a de trous.
  • Or, plus il y a de trous, moins il y a de gruyère
  • Donc plus il y a de gruyère, moins il y a de gruyère

Le syllogisme comme analyse psychologique

On peut retrouver ce type d’erreur dans nos fragilités psychiques

 

Exemple 1 : un anxieux

Voici le raisonnement d'une personne qui souffre d'attaques paniques, observons comme sa conclusion montre le mécanisme qui l'enferme dans l'engrenage de l'anxiété.

  • On a une crise d’angoisse quand l’inconscient a été troublé
  • Or, quand l’inconscient a été troublé, il faut chercher à comprendre pourquoi
  • Donc : j’ai des crises d’angoisses quand je cherche à comprendre pourquoi

Deux choses sont intéressantes à observer : 

  1. L'observation B C selon laquelle il faut chercher pourquoi nous avons une crise d'angoisse fait parti des croyances que nous avons tous concernant l'angoisse, elle est même présente chez certains professionnels. Pourtant, si l'anxiété d'une personne est liée à son histoire, les crises d'angoisse n'ont pas systématiquement de sens, il peut simplement s'agir de mauvaises interprétations du cerveau ; il n'y a donc pas d'analyse fine derrière cela.
  2. La conclusion A & C montre comme chercher du sens et une logique à une crise d'angoisse peut générer en soi d'autres crises d'angoisses : ne pas toujours trouver de sens va créer une angoisse supplémentaire et ainsi construire des pensées obsédantes et/ou des anticipations anxieuses sans motifs. N'oublions pas non plus que nous avons tous des "biais d'illusion de série"

Exemple 2 : la peur de l'abandon

Voilà l’exemple d’une personne qui souffre d’un schéma abandonnique. Observez comme la conclusion (A & C) qu'elle tire de son besoin initial (A & B) permet d'analyser l’ambivalence de ses relations : elle construit malheureusement un abandon permanent. Soulignons que cette conséquence n'est jamais consciente.

  •  J’ai peur d'être abandonné alors il faut me donner beaucoup pour être sûr d’être aimé
  • Or,  pour être sûr d’être aimé  il faut faire confiance à l'autre
  • Donc : J’ai peur d'être abandonné quand je fais confiance à l'autre

A vous de jouer

Amusez vous à créer des faux syllogismes, les plus idiots possibles en observant une chose la plus banale possible, comme par exemple "les plantes sont vertes, or le vert..." (trouvez une suite totalement illogique...)  

 

Puis, si vous souhaitez aller plus loin, prenez une situation qui vous pose problème ou vous fait souffrir. Vous pouvez partir de la conclusion ; c'est à dire de ce qui vous pose problème ; par exemple, comment en seriez vous arrivé à une à l'idée du type "J'aime les gens, mais il faut se méfier de tout le monde"... Puis, vous recollez les morceaux pour trouver l'élément B.