Etre un peu moins con quand nous débattons


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Hiérarchiser les arguments

Dans les partie précédentes, nous avons vu que notre compréhension des choses était biaisée par des croyances instinctives  ("Quand notre cerveau est un idiot") et que nous sommes enclins au raisonnement fallacieux de manière consciente (sophisme) ou inconsciente (paralogisme) ("Quand ce qu'on nous dit est moisi"), ce qui va nous intéresser maintenant est d’apprendre à se positionner dans un échange constructif et donc ne pas entrer dans une démagogie déraisonnable. Voyons donc dans un premier temps comment obtenir la bonne position. Pour cela, le philosophe Paul Graham a hiérarchiser la qualité de d’argumentation en sept niveaux : 


Niveau 0 ATTAQUE AD PERSONAM : L’insulte

Niveau 1 ATTAQUE AD HOMINEM : Opposer à l’autre ce qu’il a dit ou fait pour seul argument

Niveau 2 ATTAQUE SUR LA FORME : Dénoncer le ton ou la forme de l’autre, sans aborder son argumentation

Niveau 3 CONTRADICTION : Enoncer l’argument le contraire, sans autre thèse

Niveau 4 CONTRE ARGUMENT : Offrir un raisonnement/une preuve validant votre propos

Niveau 5 REFUTER L'ARGUMENT : Trouver une erreur et l’énoncer

Niveau 6 REFUTER LE POINT PRINCIPAL : Contester directement la thèse

 


Mini leçon de rhétorique

Une fois que vous arrivez progressivement à écarter les « moisissures argumentatives » et que vous savez vous positionner pour éviter l’attaque ou l’argumentation contradictoire, voici dans un second temps, trois composantes de la rhétorique pour construire une argumentation claire : l' "inventio" (la recherche d'arguments), la "dispositio" (l'ordre des arguments) et l' "elocutio" (soigner sa parole)

 

« INVENTIO »

Choisissez soigneusement vos arguments, sans en choisir trop (vous pourriez perdre votre interlocuteur.) Il existe quatre types d’arguments :

 

L’argument de caution : Il légitimise votre propos en s’appuyant sur une personnalité (auteur, étude, concept…)

Mais attention à deux pièges :

- Le « name dropping » dans lequel vous exposeriez beaucoup de noms pour impressionner l’autre

- L’argument d’autorité dans lequel vous donneriez du crédit incontestable à un auteur seulement parce qu'il a une posture forte et/ou qu'il est populaire.

 

L’argument de communauté : Il repose sur les valeurs partagées entre vous et votre interlocuteur.

Mais il y a un piège : l’appel à la popularité vous amènerait à invoquer un grand nombre de personnes qui adhèrent à une idée  pour prouver votre argument, comme si la majorité avait toujours raison.

 

L’argument de cadrage : Il permet de reposer votre propos sur des éléments factuels que l’interlocuteur n’aurait pas forcement perçu. On peut par exemple penser à l’argument de Robert Badinter concernant l’horreur de la peine de mort : « La guillotine qu’est-ce que c’est : c’est prendre un homme et le couper en deux morceaux. »

Mais il y a un piège : créer un biais de cadrage chez l’interlocuteur en lui présentant les choses sous un angle séduisant pour éviter qu’il comprenne l’argument ou le problème dans son ensemble, par exemple « Tu préfères un produit avec 10% de matière grasse ou un produit à 90% sans matière grasse ? »

 

L’argument d’analogie : Il consiste à établir une correspondance ou une opposition entre deux situations, dans le but de donner une image plus précise de votre argument à l’interlocuteur.

Mais il y a un piège : l’analogie douteuse dans laquelle vous discréditeriez une situation en utilisant une situation de référence mais lui ressemblant de manière lointaine, par exemple « Tu refuses de voir ma mère et tu veux que je sois sereine ?, alors que l’ex de ma meilleure amie allait voir sa maitresse quand elle allait voir sa mère… »

 

« DISPOSITIO »

Organisez vos arguments et leur apparition en respectant une progression logique solidifiant votre thèse. Ainsi chaque argument doit en amener un autre.

Mais il existe trois  pièges :

- Le mille-feuille argumentatif dans lequel vous empileriez plusieurs arguments faibles mais liés les uns aux autres, cela vous permettant qu’ils ne puissent pas être réfutés séparément, mais arriver à une conclusion peu fiable.

- Le raisonnement circulaire qui vous ferait partir de la conclusion comme moyen d’argumentation

- La pente savonneuse  dans laquelle vous feriez croire que les pires conséquences vont arriver au fur et à mesure de votre exposé.

 

« ELOCUTIO »

Travailler votre style, le choix de vos mots, la syntaxe, mais surtout soyez nuancé.